Le viager est une pratique qui représente environ 1% des transactions sur le marché de l’immobilier. De plus en plus de propriétaires en âge avancé et dépourvus d’héritiers décident de se tourner vers le viager immobilier. Mais en quoi ce choix consiste-t-il ?
Le viager, n’est ni plus ni moins qu’un contrat de vente, pour le moins atypique, puisque les circonstances de paiement diffèrent d’un contrat classique. En effet, la transaction n’est pas immédiate mais elle se déroule sur plusieurs années. L’acheteur, dit le débirentier, verse en fait une rente mensuelle ou trimestrielle au vendeur ou crédirentier, et ce, jusqu’à son décès. Cette rente accumulée, finit par déterminer le prix final du bien convoité, c’est ce qu’on appelle le principe d’aléa, le prix reste aléatoire. Il s’agit donc presque d’un parie entre les deux acteurs de la transaction : l’un compte sur le fait qu’il puisse vivre assez longtemps pour que la réelle valeur de son bien puisse être payée, l’autre parie sur le fait qu’il ne paiera pas la totalité du bien.
Deux types de viagers différents existent : le viager libre, dans le cas où la propriété n’est pas habitée par celui qui la possède et le viager occupé dans le cas inverse.
Le bouquet, c’est une part de la valeur vénale du bien que paie l’acheteur, au moment même de la signature du contrat viager. Il représente 20 à 30% de la valeur du bien en général et ne dépasse presque jamais les 40%. Le bouquet permet en quelque sorte pour le vendeur de s’assurer de la vente de son bien à sa valeur réelle.
La rente, c’est la somme d’argent que l’acheteur verse tous les mois, ou tous les trimestres au propriétaire de la maison ou de l’appartement. Plus le bouquet est minime plus la rente sera grande. Une décote est appliquée à la rente car le créditeur ne dispose pas directement de son bien, le prix
est alors réduit en compensation. Cette décote dépend, elle aussi, de l’âge du vendeur, plus ce dernier est âgé, plus la décote sera importante.
Le premier avantage évident que le crédirentier retire d’une transaction viagère, c’est évidemment le versement de la rente de la part du débirentier. Il s’assure donc d’une rémunération jusqu’à la fin de sa vie et d’une situation financière plus confortable. Selon leur âge, les crédirentiers profitent d’un abattement sur l’impôt sur le revenu, par exemple, si le vendeur a plus de 70 ans, il n’en paiera pas la totalité mais seulement 30 %. Le bouquet, représente lui aussi un fort intérêt fiscal puisqu’il n’est pas imposable. Enfin, en logeant à son adresse, le crédirentier ne doit ni taxe foncière ni charges dues au travaux ou aménagements possibles. En effet, il obtient à partir du début du viager le statut de locataire et paye alors seulement la taxe d’habitation.
Le débirentier, quant à lui, obtient aussi des privilèges. D’abord par le fait qu’il rembourse en quelque sorte un crédit auprès du vendeur sans qu’il y ait de frais supplémentaires, comme c’est le cas dans un crédit immobilier classique. C’est aussi l’occasion pour lui d’espérer pouvoir acheter un bien à une valeur moindre.
Comment estimer le bouquet d’un viager ? Le bouquet est une somme déterminée par le vendeur lui-même. Le versement du bouquet est facultatif dans une transaction viagère, il est au bon vouloir du crédirentier. Estimer le bouquet correctement se fait au regard de l’âge du vendeur mais aussi de ses projets personnels. En effet, plus le crédirentier est vieux, plus il est préférable que le bouquet soit coûteux car plus il y a de risques que cette personne décède avant que le prix total du bien n’ait été recouvert par la rente. De même, plus le bouquet est élevé moins la rente le sera. Il convient alors avant d’estimer quel montant le bouquet représentera de connaître les besoins et les projets du vendeur. En effet, qu’est-ce qui serait le plus judicieux ? Un versement immédiat élevé mais un revenu régulier moindre ? Ou le contraire ? C’est à vous de voir.
L’estimation de la rente est différente en fonction des types de viagers :
Pour un viager libre, il faudra au préalable estimer la valeur vénale du bien, c’est à dire la valeur du bien en fonction du marché suivant l’offre et la demande. A cette valeur vénale sera retranchée le bouquet, le tout divisé par l’espérance de vie du crédirentier, ce qui nous donne la rente annuelle que l’on redivise par 12 pour connaître le montant que touchera le vendeur tous les mois.
L’espérance de vie en fonction de l’âge et du sexe sont retranscrite chaque année dans la table de mortalité de l’Insee facilement accessible sur internet. Par exemple, en 2021, l’espérance de vie pour une personne de 80 ans était de 11,22 ans.
Pour un viager occupé, qui représente 80% des transactions en viager, l’estimation s’effectue de manière différente. En effet, il faudra, en plus de connaître la valeur vénale du bien immobilier à la vente, s’informer du loyer mensuel qui serait normalement défini pour ce même bien. Ainsi, il est possible de calculer la rente de cette manière :
loyer annuel × espérance de vie = valeur de la décote
valeur vénale – valeur de la décote = part achetée par le débirentier
part achetée par le débirentier – bouquet = rente totale
rente / espérance de vie = rente annuelle
rente annuelle / 12 = rente mensuelle
Pour illustrer, prenons l’exemple d’un cas concret :
Mr Duchemin, 70 ans, décide de vendre sa maison en viager, dans le sud ouest de la France. On estime la valeur de son bien à près de 250 000 euros, et le loyer annuel s’élevant à 8 400 euros. L’espérance de vie moyenne pour un homme de son âge, est, selon les chiffres de l’INSEE établie à 15,73 ans et Mr Duchemin réclame un bouquet à hauteur de 30 %. D’après ces données on peut alors calculer la valeur de la rente en DHU :
Calcul du bouquet
250 000 × 30% = 75 000
Calcul de la rente
8 400 × 15,73 = 132 132
250 000 – 132 000 = 117 868
117 868 – 75 000 = 42 868
42 868 / 15,73 = 2 725,24
2 725,23 / 12 = 227,10
Tous les mois, monsieur Duchemin recevra alors 227,10 euros de son débirentier
Ici, nous avons affaire à un cas classique, dans lequel le vendeur dispose d’un DUH (droit d’usage et d’habitation), qui correspond à la valeur de la décote.
Cependant, des viagers occupés fonctionnent aussi différemment, il y a des cas où le propriétaire dispose de plus de droits qu’en DUH, lorsqu’il habite seulement dans la maison ou l’appartement concerné. C’est notamment ce qui arrive lorsque le viager est dit « en usufruit ». Alors, le crédirentier peut user de son bien, cer tes, mais peut aussi en tirer profit, en le louant par exemple en même temps de percevoir la rente du viager. Du fait de ce droit supplémentaire accordé au titulaire, la décote est plus importante. Le calcul de la rente est donc quelque peu différent :
valeur vénale du bien × valeur de l’usufruit = part achetée par le débirentier
part achetée par le débirentier – bouquet = rente totale
rente totale / espérance de vie = rente annuelle
rente annuelle / 12 = rente mensuelle
Imaginons à présent que Mr Duchemin décide d’opter pour un viager occupé à usufruit, sachant que le taux d’usufruit viager à 70 ans est de 40%:
250 000 × 40% = 150 000
100 000 – 75 000 = 25 000
25 000 / 15,73 = 1 589,32
1 589,32 / 12 = 132,44
Toutefois, il reste préférable de se tourner vers des experts en la matière, tels que les notaires ou agences immobilières qui disposent d’outils plus précis pour effectuer ces estimations, de même cela diminue les marges d’erreur.